Tricher sur sa déclaration d'impôts : quels risques ?
On estime à environ 80 milliards d'euros les pertes fiscales annuelles que connaît le système des impôts français. Cette donnée englobe les fraudes des entreprises comme des particuliers. Chaque année, les contrôles se renforcent pour lutter contre la fraude fiscale. En 2021, plus de 13 milliards d'euros ont ainsi été notifiés aux particuliers et aux entreprises. De l'oubli partiel à la volonté de feindre à ses obligations fiscales, quels risques prend le contribuable en trichant sur sa déclaration d'impôts ? On vous répond.
La fraude fiscale : Qu'est-ce que c'est ?
La définition claire de la fraude fiscale est le fait d'user délibérément de procédés pour échapper ou tenter d'échapper à l'impôt. Cette définition est importante puisqu'elle apporte une nuance en termes d'intention, en précisant le caractère délibéré, donc conscient et intentionnel de feindre à ses obligations de paiement de l'impôt, qui peut d'ailleurs être l'impôt sur le revenu, l'impôt sur la fortune immobilière, ou autre. Il s'agira par exemple de cacher des biens ou des revenus soumis à l'impôt, de ne pas respecter les délais de déclaration, ou encore de recourir à des procédés rendant le contribuable insolvable.
Fraude fiscale, évasion fiscale, optimisation fiscale : Des termes à ne pas confondre
Ces notions sont proches, mais pourtant bien distinctes les unes des autres. L'évasion fiscale est légale, à l'inverse de la fraude fiscale. Elle consiste en l'utilisation de moyens légaux pour réduire son imposition, voire même la supprimer. Elle surfe à la limite de l'illégalité, en profitant des manquements de la mécanique de fiscalité française. L'évasion fiscale entraîne une modification de l'Etat d'imposition. Il pourra s'agir de transférer des actifs vers un autre pays où la pression fiscale est bien moindre (les paradis fiscaux), ou en changeant de nationalité par exemple pour échapper à la fiscalité française.
On peut dire avec beaucoup de nuance et de réserve, que l'évasion fiscale est un entre-deux, entre la fraude fiscale et l'optimisation fiscale. Elle reste légale, mais est très mal perçue, considérée comme une fraude pour les contribuables qui s'acquittent de leur impôt en France.
L'optimisation fiscale est parfaitement légale et même largement soutenue par l'Etat. Elle consiste à recourir à des procédés de défiscalisation pour réduire son impôt sur le revenu, par la réduction d'impôt, la déduction d'impôt ou le crédit d'impôt. L'Etat propose la défiscalisation partielle des revenus en incitant au financement de l'économie. Ainsi, les investissements dans des secteurs d'activités dans le besoin sont félicités par l'Etat. Il s'agira par exemple des dispositifs Pinel, Girardin, de l'ouverture d'assurance vie, du soutien aux PME des secteurs innovants ou de proximité, du soutien à secteur de l'audiovisuel et du cinéma par l'investissement en SOFICA, etc.
Pour clarifier leurs différences, retenons que l'optimisation fiscale et l'évasion fiscale ne sont pas répréhensibles, car elles recourent à des procédés légaux, même si elles frôlent parfois l'illégalité. La fraude fiscale est en revanche illégale et répréhensible.
Différencier la triche de la négligence
La triche sur sa déclaration d'impôt porte un nom très clair qui est celui de la fraude fiscale. En revanche, d'autres situations peuvent mener à une sanction de la part de l'administration fiscale. Il ne s'agira pas là d'un caractère volontaire de triche, mais plutôt d'une négligence qu'il convient tout de même de sanctionner pour contraindre au respect de la mécanique de la fiscalité.
Deux cas particuliers seront ainsi sanctionnés :
- Déclarer ses revenus en retard : En ne respectant pas le calendrier de déclaration de l'impôt, une majoration et des intérêts pourront être réclamés par l'administration. La majoration sera évolutive selon le retard. Elle sera de 10 % si les revenus sont déclarés avant la mise en demeure, de 20 % en cas de dépôt tardif dans les 30 jours suivant la mise en demeure, et de 40 % si la déclaration n'est toujours pas déposée après les 30 jours de mise en demeure. Les intérêts interviendront après les 30 premiers jours de mise en demeure, appliqués à hauteur de 0,20 % de l'impôt dû par mois de retard;
- Commettre une erreur sur sa déclaration : Dans le cas d'une erreur ou d'un oubli conduisant à réduire l'impôt ou à augmenter un avantage fiscal, l'administration peut également décider de majorer l'impôt dû correspondant au delta de l'avantage perçu à tord de 10 %. En revanche, si la déclaration est rectifiée spontanément par le contribuable, ou dans les 30 jours suivants la relance de l'administration, la majoration ne sera pas appliquée. Là aussi, les mêmes intérêts de retard de 0,20 % de l'impôt dû par mois pourront être appliqués, sauf si le contribuable a alerté l'administration de son doute quant au remplissage correct de sa déclaration.
Fraude fiscale, comment l'administration peut-elle s'en apercevoir ?
Le fisc surveille les fraudes fiscales grâce aux données numériques des contribuables. L'intelligence artificielle met en exergue les déclarations qui semblent comporter des incohérences vis-à-vis des données numériques, type composition de la famille, banques de salaire, factures de consommation, etc.
La direction générale des finances publiques (DGFIP) procède alors à des contrôles fiscaux. Ces derniers peuvent être de plusieurs natures, plus ou moins contraignants pour le contribuable.
- Le contrôle sur pièces : Il s'agit là de l'examen critique des déclarations effectuées par le contribuable. Il s'opère dans les services de l'administration fiscale, et porte généralement sur des points précis de la déclaration. Il sera pratiqué pour vérifier des incohérences ou des inexactitudes à rectifier. Il s'agira la plupart du temps d'une simple demande de renseignements ou de justificatifs. Le contribuable ne sera pas informé au préalable du contrôle effectué;
- Le contrôle fiscal externe : Il pourra s'agir d'une vérification de la comptabilité du contribuable au sein de ses locaux ou domicile, et notamment de la régularité, de la sincérité et de la cohérence des écritures comptables. Il pourra également s'agir d'un examen de comptabilité qui est plus léger, et se fait depuis les locaux de l'administration fiscale. Enfin, il pourra s'agir d'un examen contradictoire, qui entrera dans un détail permettant de relever les incohérences de la situation fiscale, patrimoniale et de trésorerie. Il s'agira là d'une véritable enquête;
- Le contrôle inopiné : Il s'agit là d'un contrôle au domicile du contribuable, sans qu'il n'en ait été informé au préalable. L'objectif sera de réaliser des constatations matérielles qui perdraient toute valeur et toute utilité si elles étaient précédées d'un avis de vérification.
Quelles sont les sanctions fiscales en cas de fraude fiscale ?
En caractérisant la fraude fiscale par la volonté consciente et éclairée d'échapper à l'impôt dont le fraudeur est redevable, la loi nuance nécessairement la sanction. La fraude fiscale, reconnaissant donc l'intention de tricher, est sévèrement punie par la loi, par des sanctions à la fois fiscales, mais aussi pénales.
Intéressons-nous ici aux sanctions fiscales, qui pourront être à différentes échelles selon le caractère de la fraude. En ne déclarant pas ses revenus perçus dans les délais impartis, et que l'administration fiscale découvre l'existence d'une activité non déclarée, le fraudeur s'expose à une majoration de son impôt dû de 80 %.
L'autre cas concernera la déclaration partielle des revenus, donc volontairement incomplète. Par exemple, la plus-value réalisée sur un bien qui ne serait pas déclarée dans le calcul de l'impôt, ou encore un revenu complémentaire qui n'apparaîtrait pas, voire des revenus fonciers perçus non déclarés ou déclarés partiellement, etc. Dans ce cas, le législateur n'est pas plus clément. Dans le cas d'un oubli volontaire, il appliquera une majoration de 40 % de l'impôt, puis elle augmentera à 80 % en cas de manœuvre frauduleuse visant à tromper l'administration fiscale, ou en cas d'abus de droit, qui reviendrait à une optimisation abusive d'une règle fiscale pour atténuer des charges dues. Par exemple, il pourra s'agir d'une donation maquillée en vente. L'optimisation fiscale abusive résidera dans le caractère de la transaction, puisque la vente est imposée autour de 5 %, alors que la donation l'est à 60 % (sauf 100 000 € chaque quinzaine d'années à ses héritiers uniquement). Précisons que l'administration peut ramener cette sanction à 40 % si l'abus de droit n'est pas à l'initiative du contribuable, ou s'il n'en est pas le principal bénéficiaire.
Pour finir, comme ce que l'on appellerait familièrement "la cerise sur le gâteau", des pénalités de retard seront appliquées, à hauteur de 0,20 % d'intérêts par mois de retard, pour atteindre 2,4 % sur une année. Vous l'aurez compris, la fraude fiscale peut coûter très cher, mais ce n'est pas tout. C'est également un délit pénalement répréhensible.
Quelles sont les sanctions pénales en cas de fraude fiscale ?
Lorsque la fraude fiscale est découverte, l'administration fiscale pourra engager des poursuites pénales. C'est une possibilité qui n'est pas automatique. Selon la fraude, l'intention et les sommes que cela représente, l'administration peut ne pas engager de poursuites, estimant que les sanctions fiscales suffisent. Par exemple, un complément d'emploi de quelques heures, pour compléter ses revenus, qui ne serait pas déclaré sera sanctionné fiscalement,ne serait-ce que par cohérence envers les autres contribuables, mais l'administration n'engagera pas de poursuites pénales.
Toutefois, et c'est bien son droit, les fraudes les plus importantes seront sanctionnées pénalement. Dans ce cas, l'administration fiscale prendra avis auprès de la Commission des infractions fiscales, avant d'appliquer l'une ou l'autre de ces peines, ou bien les deux : 500 000 € d'amende, et/ou 5 ans d'emprisonnement.
Pour aller plus loin, l'administration fiscale peut sanctionner pénalement les fraudeurs de manière encore plus impactante en cas de fraude aggravée, comme notamment des faits commis en bande organisée, l'ouverture de comptes auprès d'organismes établis à l'étranger, l'interposition de personnes ou d'organismes écran établis à l'étranger, l'usage d'une fausse identité ou de documents falsifiés pour échapper à la fiscalité due, ou encore une domiciliation fictive à l'étranger pour échapper à la fiscalité de France. Dans ce cas, ce seront 3 millions d'euros d'amende, assortis de 7 ans d'emprisonnement qui pourront être appliqués.
La sanction peut être allégée si le fraudeur reconnait les faits et coopère avec les services de répression des fraudes pour identifier ses complices. Le procureur de la République peut alors décider d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, pour une peine révisée. Sachez enfin que la sanction pénale ne peut être appliquée au-delà de la 6ème année suivant l'infraction.
Et si on récapitulait ?
Vous l'aurez compris, il y a une application évolutive des sanctions selon l'intention, les sommes que la fraude représente, et son caractère organisé avec complicité. Voici un résumé des sanctions applicables.
Fraude fiscale |
Sanctions fiscales |
Sanctions pénales |
Absence de déclaration |
Majoration IR* 80 %
+ PR* 0,2 %/mois |
Jusqu'à 500 000 € d'amende + 5 ans d'emprisonnement.
Si fraude aggravée : Jusqu'à 3 millions d'euros d'amende + 7 ans d'emprisonnement (allégée si coopération au démantèlement du réseau) |
Oubli partiel volontaire |
Majoration IR 40 %
+ PR 0,2 %/mois |
|
Manœuvre frauduleuse |
Majoration IR 80 %
+ PR 0,2 %/mois |
|
Abus de droit |
Majoration IR de 40 à 80 %
+ PR 0,2 %/mois |
*IR = Impôt sur le Revenu. *PR = Pénalités de Retard.
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